Qu’est-ce que la prise de décision assistée ?
C’est un processus qui permet de sauvegarder et de maximiser l’autonomie des personnes souffrant de handicaps variés. Celui-ci permet à une personne handicapée de s’impliquer fortement dans les décisions qui la concernent directement. À l’intérieur de ce processus, l’aide à la prise de décision est alors considéré comme un phénomène normal. Il nous arrive à tous de prendre conseil auprès de nos proches (conjoints ou collègues, notamment) lorsque nous devons prendre une décision importante comme, par exemple, accepter un nouveau travail ou faire une dépense conséquente. L’important, c’est que la décision finale nous revienne. Le besoin de contrôle et de faire des choix est un droit humain fondamental.
Présumer des compétences
La prise de décision assistée est fondée sur le principe de présomption des compétences. Dans le domaine de la communication, il arrive que l’on définisse ce principe par « présumer que tout le monde peut apprendre à utiliser la CAA ». Or, cette définition est incomplète. Présumer des compétences d’un individu, c’est partir du principe que celui-ci est capable d’exprimer des opinions et d’être aidé pour prendre ses propres décisions. Ce n’est pas une compétence. C’est une qualité propre à chaque être humain. Elle est inconditionnelle.
Pourquoi est-ce important ?
Auparavant, les personnes qui souffraient de problèmes de communication ou de problèmes cognitifs étaient considérées comme incapables de prendre des décisions. Un intermédiaire (un tuteur par exemple) devait intervenir pour prendre des décisions à leur place. Les décisions étaient prises dans l’intérêt de la personne représentée par le tuteur. De telles décisions sont subjectives par nature et peuvent, par conséquent être particulièrement difficiles à prendre.
Aujourd’hui, les Nations Unies et le mouvement des droits des personnes handicapées ont rejeté l’idée d’avoir recours à de tels intermédiaires. Dans le monde entier, les personnes concernées s’émancipent progressivement et se tournent vers la prise de décision assistée. De quelle aide une personne a-t-elle besoin pour prendre ses propres décisions ? C’est un droit.
Qui peut avoir recours à la prise de décision assistée ?
Toute personne risquant d’être considérée comme incapable de prendre ses propres décisions peut être candidate à la prise de décision assistée.
Certaines personnes peuvent avoir du mal à comprendre des informations. Elles ont besoin de plus de temps, ou d’outils supplémentaires pour rester concentrées et passer en revue les choix possibles. Elles peuvent avoir besoin d’aide pour bien comprendre les conséquences des différents choix possibles.
Pour certaines personnes, il est nécessaire que les choix les concernant leur soient présentés de manière visuelle (sous forme de photo, de dessin, ou d’une liste écrite). D’autres sont capables de prendre, de temps à autres, des décisions importantes. Il s’agit, par exemple, de personnes souffrant de maladies mentales ou d’addictions.
Que faire si la personne n’est pas encore capable d’utiliser le CAA ?
La prise de décision assistée part du principe que la communication est établie entre deux personnes. La personne qui éprouve des difficultés à communiquer ne devrait pas être responsable de la bonne compréhension du message qu’elle délivre ; cette responsabilité devrait plutôt être partagée. Un individu qui souffre d’un handicap sévère de la communication et qui ne peut pas faire usage de mots ou de symboles, doit exprimer ses préférences (ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, par exemple). Cette responsabilité lui incombe directement. Le partenaire de communication a, quant à lui, la responsabilité d’interpréter le message et d’agir en conséquence, pour étendre le champ des choix possibles et le contrôle que la personne peut exercer sur les décisions qui le concernent. Ces personnes sont celles pour lesquelles la prise de décision assistée présente le plus grand intérêt.
Qui peut apporter son aide dans le cadre de la prise de décision ?
Les parents, les membres de la famille, les amis et le personnel soignant peuvent aider la personne handicapée. Ils peuvent partager leurs connaissances concernant la manière dont la personne communique, et l’aide dont elle a besoin pour pouvoir prendre ses propres décisions. L’ensemble de ces acteurs forme un cercle ou un réseau.
D’après les travaux de recherche, ce sont les proches des personnes souffrant d’un handicap sévère de la communication qui répondent le plus spontanément à leurs besoins. Ils peuvent plus facilement prendre les mesures qui conviennent pour aider la personne handicapée à faire ses propres choix. Ils sont aussi les mieux placés pour interpréter précisément ses besoins. Les personnes les plus éloignées de l’individu concerné interprètent fréquemment les comportements inhabituels comme des handicaps. A contrario, un proche donnera une autre signification au même comportement, comme par exemple, la détresse, la frustration ou encore la douleur et l’inconfort.
Les outils et les stratégies spécifiques à la prise de décision assistée sont détaillés dans l’article « 3 stratégies pour aider les personnes à prendre le contrôle et à faire des choix ».
Trois « succès stories » illustrant la prise de décision assistée
Sara
Sara débute avec la CAA. Elle l’utilise pour formuler des demandes et pour nommer ses camarades de classe ou des membres de sa famille. Lorsque Sara doit choisir une copine ou un copain pour jouer après l’école, elle a tendance à sélectionner le premier de la liste, tous à la fois, ou encore simplement à accepter toutes les options possibles. Sa mère a le sentiment que les choix de Sara ne reflètent pas sa volonté profonde. Lorsqu’elles sont assises l’une à côté de l’autre et qu’elle passent en revue des photos ou des vidéos de ses camarades d’école, il semble que Sara exprime des convictions plus fortes. La maman de Sara modélise des messages de CAA tels que « apprécier », « aimer » et « meilleur ». Après avoir pris le temps de parler de chacun de ses amis, Sara finit par indiquer clairement lequel d’entre eux elle souhaite inviter. Sa mère reconnaît que ce choix semble davantage en adéquation avec ce qu’elle souhaite vraiment. Il semble que Sara a simplement besoin de plus de temps et de soutien pour exprimer ce qui est important pour elle.
Daniel
Daniel aime son travail au magasin. Après avoir été promu et augmenté, Daniel a pris la décision de partir de chez ses parents et de chercher un appartement en location. Ses parents avaient peur que des propriétaires peu scrupuleux profitent de la situation. Ils l’ont encouragé à rechercher un établissement spécialisé qui lui permette d’être entouré par du personnel qualifié pouvant l’aider avec ses repas, le ménage et à gérer son budget. Daniel était déçu de voir que sa famille ne le croyait pas capable de vivre seul. Daniel s’est servi de son système de CAA pour rejeter leurs suggestions et a insisté pour déménager. La personne chargée de l’aider lui a présenté, ainsi qu’à sa famille, un processus de prise de décision assistée. Ensemble, ils ont identifié :
- les critères auxquels devait répondre l'appartement de Daniel pour qu'il réponde à ses besoins,
- les tâches pour lesquelles il devait être aidé,
- et les décisions que Daniel serait capable de prendre seul (telles que la façon de dépenser son argent) et les décisions qu'il devrait prendre avec ses parents (la signature d'un bail immobilier, par exemple).
Au bout du compte, Daniel a pris la décision de partager un appartement avec un ami de longue date. Il est content lorsqu’il invite ses parents à dîner chez lui.
Anna
Après son attaque, Anna ne pouvait plus vivre toute seule chez elle, sans aide. Les membres de sa famille ne parvenaient pas à se mettre d’accord pour élaborer un plan d’action : La sœur d’Anna souhaitait qu’elle bénéficie d’une équipe à domicile pour qu’elle puisse rester chez eux. Son fils voulait qu’Anna vive dans un établissement spécialisé qui permet de bénéficier de soins 24 heures sur 24. Sa fille envisageait de prendre soin d’Anna, elle-même. Anna a perdu l’usage de la parole. Elle avait donc beaucoup de mal à participer aux débats. Elle s’agitait beaucoup à chaque fois que ces discussions avaient lieu. L’orthophoniste lui a présenté, ainsi qu’à ses enfants, le processus de prise de décision. L’objectif étant d’identifier les critères que devait remplir sa nouvelle demeure. Par le biais de photos et des dessins, Anna a pu montrer qu’elle souhaitait évoluer dans un environnement social, au contact d’autres personnes de son âge. Pour elle, les interactions sociales sont plus importantes que rester enfermée chez elle. Bien sûr, elle souhaite rendre visite à ses enfants et à ses petits-enfants, mais elle ne voulait pas vivre avec eux. La famille d’Anna s’est faite une raison. Aucune des options possibles correspondait à ce qu’Anna voulait vraiment. Alors, les membres de la famille se sont lancés à la recherche d’un établissement spécialisé. Anna est heureuse de pouvoir régulièrement rendre visite à sa fille, mais elle est aussi contente lorsqu’elle retrouve sa petite chambre tranquille. Elle participe à toutes sortes d’activités et partage ses repas avec d’autres personnes âgées.
Liens et références (en Anglais)
- The National Resource Center for Supported Decision-Making,including this short brochure, EVERYONE has the right to make choices (PDF).
- World Health Organization,World Report on Disability, 2011. Endorses supported decision-making over substitute decision-making.
- United Nations guidance on Legal Capacity and Supported Decision-Making
- Devi, Bickenbach, & Stucki, (2011). Moving from Substitute to Supported Decision-Making.
- Then, Carney, Bigby, & Douglas (2018). Supported decision-making for adults with cognitive disabilities
- Guardianship & Alternatives for Decision-Making, Center for Health Care Transition Improvement.
- 3 Practical strategies to support choice and control for all people