En milieu médical, les patients qui ne peuvent pas faire usage de la parole sont 3 fois plus susceptibles de vivre une expérience négative en raison d’une mauvaise communication avec le personnel médical. Pourtant, ces conséquences fâcheuses pourraient être évitées (Bartlett et al, 2008). Les patients souffrant de handicaps physiques et mentaux ou du développement sont les plus exposés.
Le cas de Daniel illustre bien le problème. Daniel s’est blessé lors d’un accident de vélo, alors qu’il se rendait à son travail, et a été transporté à l’hôpital. Le système de CAA de Daniel a été cassé dans l’accident. Pour communiquer avec les ambulanciers, il ne disposait d’aucun autre moyen que de répondre à leurs questions par oui ou par non. Lorsqu’il a quitté l’hôpital, il s’est promis d’être mieux préparé la prochaine fois, pour communiquer dans un contexte médical.
Les sept facteurs clés de vulnérabilité dans les établissements de soins et de santé
1. Les services, les systèmes et les mesures nuisent à la communication
Les centres et systèmes médicaux ne sont pas organisés pour aider les personnes ayant des besoins de communication complexes. Cet échec se produit à plusieurs niveaux. Les systèmes de CAA sur iPad peuvent par exemple, être perçus comme des « dispositifs de divertissement personnels » plutôt que comme des aides essentielles au handicap.
2. Le temps
Les médecins et les infirmières sont souvent pressés lorsqu’ils ou elles interagissent avec les patients. Les patients qui utilisent la CAA signalent que de nombreux membres du personnel médical n’ont ni le temps ni la patience d’attendre que le message soit rédigé. Les membres de la famille, les partenaires ou les amis peuvent parler à la place de la personne concernée, afin d’accélérer la communication. Cela permet d’éviter au personnel médical de devoir apprendre comment communiquer avec l’utilisateur de la CAA.
3. L’accès à la CAA personnelle
Bon nombre de personnes disposant d’un système de CAA coûteux ont peur de se le faire voler et ne l’apporteront peut-être pas à l’hôpital. S’ils l’apportent, celui-ci peut se trouver hors de portée de l’utilisateur ou bien être déchargé. Un certain nombre d’utilisateurs souffrent aussi d’autres handicaps qui les empêchent de prendre leur système de CAA en toute autonomie et de le garder sous la main sans recourir à aucune aide. Un utilisateur de CAA peut ne pas être en mesure d’utiliser son système s’il est branché à une machine ou s’il est équipé d’un système de ventilation ou d’un support à oxygène.
4. L’accès à la CAA générique
De nombreux hôpitaux mettent à disposition des tableaux alphabétiques, de symboles et d’échelles visuelles d’évaluation de la douleur. Cependant, en l’absence de formation ad hoc, de nombreux membres du personnel médical ne savent pas comment les utiliser. La seule chose qu’ils puissent faire, c’est de les mettre à la disposition des patients et espérer que ces derniers les utilisent sans aucune formation ni aide particulière. Ils ne se rendent pas compte qu’ils doivent attendre que le patient indique un symbole et y prêter attention.
5. L’accès au système d’appel infirmier
De nombreux utilisateurs de CAA, souffrant d’un handicap physique, ont déclaré qu’ils n’avaient pas pu atteindre le système d’appel infirmier de l’hôpital. Ils peuvent avoir besoin d’une sonnerie adaptée, accessible par différents moyens. Mais, celle-ci est rarement fournie sans l’intervention d’un orthophoniste ou d’un professionnel des technologies assistées.
6. L’accès aux informations personnelles relatives aux antécédents médicaux et aux soins
De nombreux patients et familles préparent des classeurs contenant les antécédents médicaux et les transmettent à l’hôpital afin de faciliter la communication avec le personnel médical. Or, l’organisation de la plupart des dossiers médicaux hospitaliers, ne permet pas d’intégrer facilement ces informations dans celui du patient. Le patient et sa famille comptent ensuite sur chaque nouvelle équipe du personnel médical pour lire leurs informations personnelles.
7. Les compétences du personnel hospitalier en matière de communication
Peu de membres du personnel hospitalier ont la formation et les compétences nécessaires pour interagir efficacement avec une personne ayant des besoins de communication complexes. Il est possible qu’ils ne puissent pas interpréter efficacement ce que leur communique le patient à propos des effets secondaires, des complications ou d’autres problèmes, avant que leur état ne s’aggrave.
Réduire la vulnérabilité des utilisateurs de CAA : six stratégies clés
Il est important que les utilisateurs de CAA et que leur équipe d’assistance soient préparés à communiquer efficacement en milieu médical. Cela inclut la planification des tests et des opérations chirurgicales, mais aussi les situations d’urgence. Élaborez un plan pour réduire la vulnérabilité des utilisateurs de CAA en milieu médical.
1. Obtenir une aide à la communication
Faites en sorte que les amis et la famille agissent comme des facilitateurs de la communication entre l’utilisateur de CAA et le personnel médical. La recherche recommande que les membres de la famille (en particulier les parents) doivent veiller à ne pas trop communiquer avec l’utilisateur de CAA. Le personnel médical devient un partenaire de communication plus compétent s’il communique directement avec l’utilisateur de CAA. Cette expérience se construit principalement au moment où l’utilisateur de CAA se fait soigner par le personnel infirmier.
2. Augmenter l’accès ou utiliser des technologies de CAA rudimentaires
Déployez la CAA à un plus grand nombre d’appareils, y compris aux plus petits et aux plus portables, pour multiplier les points d’accès à la technologie. Certains appareils de CAA sont aussi portables, comme l’Apple Watch. Certains utilisateurs de CAA trouvent des supports simples et peu coûteux, tels que des périphériques portables à message unique. Cela leur permet de disposer d’une voix et de pouvoir demander de l’aide s’ils se trouvent séparés de leur système de CAA. Cela permet également d’imprimer des copies du système de communication pour créer un système sur support papier pouvant être utilisé dans des situations où l’utilisateur de CAA n’a pas accès à son appareil habituel.
3. Utiliser le balayage assisté par un partenaire
Entraînez-vous à utiliser la stratégie d’accès alternative du balayage assisté par un partenaire. Selon cette stratégie, les partenaires de communication parlent à haute voix en se basant sur une liste de messages possibles qui a été préparée. Les utilisateurs de CAA répondent lorsqu’ils entendent le message qu’ils souhaitent exprimer. Le partenaire de communication peut continuer à explorer d’autres listes jusqu’à ce qu’il découvre le message que l’utilisateur AAC tente d’exprimer. Plus l’utilisateur de la CAA et ses partenaires sont familiarisés avec le système, plus cette méthode devient efficace.
4. Demander l’aide d’un orthophoniste
Demander une référence au département d’orthophonie. Un orthophoniste qualifié peut évaluer les besoins de l’utilisateur en matière de CAA et l’aider à communiquer lorsqu’il se trouve à l’hôpital.
5. Fournir des informations
Fournissez des documents concis contenant les antécédents médicaux personnels de l’utilisateur de CAA ainsi que ses besoins en matière de soins. L’utilisateur de CAA et les personnes qui l’assistent peuvent avoir besoin d’insister en permanence pour que le personnel médical lise les dossiers pendant les soins.
6. Créer une carte portefeuille
Une carte portefeuille explique les méthodes de communication des utilisateurs de CAA et comment ceux-ci doivent être aidés. Par exemple, vous pouvez indiquer qu’ils ont besoin d’accéder à leur iPad pour communiquer.
Exemple de bonne planification pour la CAA
Samuel a dû subir une intervention chirurgicale, suivie de plusieurs semaines à l’hôpital, puis de plusieurs semaines dans un centre de réadaptation de longue durée. Avant son arrivée à l’hôpital, sa famille et lui, ont planifié ses communications en milieu médical. Samuel y pratiquait le balayage assisté par un partenaire, au cas où il aurait des complications et que sa situation nécessiterait d’être pris en charge dans l’unité de soins intensifs. Sa famille a sauvegardé son système de CAA sur son iPhone et a réalisé des captures d’écran plastifiées. Lorsque Samuel a été admis à l’hôpital, sa famille a insisté pour que ses papiers, ses besoins en matière de communication et sa technologie d’assistance soient répertoriés. Ils ont demandé à être dirigés vers un orthophoniste de l’hôpital afin que celui-ci sache qu’un patient nécessitant des besoins de communication complexes était dans les locaux. Lorsque Samuel a été transféré dans sa chambre d’hôpital, sa famille a remarqué qu’il ne pouvait pas atteindre physiquement la sonnette d’appel de l’infirmière. Ils ont soulevé cette question avec le médecin traitant et le lit a été réaménagé pour que Samuel puisse accéder au système d’appel. Enfin, ils ont pris des dispositions pour que sa famille, ses amis et son personnel d’aide rémunéré puissent travailler avec lui jusqu’à ce que le personnel infirmier sache communiquer avec lui. Lorsque des membres du personnel médical se trouvaient dans sa chambre ou lui pratiquaient des soins, la famille et les amis de Samuel essayaient de l’aider à communiquer s’ils étaient témoins d’un problème de communication. Cela a permis au personnel de se familiariser avec les besoins de communication spécifiques de Samuel. À la fin, Samuel est rentré chez lui, satisfait des soins qu’il avait reçus à l’hôpital et de la manière dont on avait communiqué avec lui.
Liens et références (en Anglais)
- Communication Disabilities Access Canada, Communication Instruction Card Sample for a Hospital Stay (PDF)
- Hemsley & Balandin, (2004) A Metasynthesis of Patient-Provider Communication in Hospital for Patients with Severe Communication Disabilities: Informing New Translational Research, Augmentative & Alternative Communication.
- Bartlett, Blais, Tamblyn, Clermont & MacGibbon (2008). Impact of patient communication problems on the risk of preventable adverse events in acute care settings, Canadian Medical Association Journal.
- Zangari (2012). A PrAACtical Look at Partner Assisted Scanning. PrAACtical AAC.
- Hanser (2007). Promoting Communication on the Fly for Students with Significant Disabilities, Including Deaf-Blindness: Top 10 Tips for Partner Assisted Scanning. UNC School of Medicine, Center for Literacy and Disability.