Lorsque vous commencez votre parcours de CAA, la première étape est la présomption des compétences.
« Commencez par supposer que votre patient est en train de développer des compétences. Une bonne intervention, des modèles linguistiques cohérents, les bons outils, et beaucoup de pratique vont le guider tout au long de son parcours vers la communication améliorée. Il est important que nous en soyons convaincus en tant que cliniciens. Oui, vos patients sont peut-être diminués et peut-être considérablement, mais ils s'en rendront compte si vous ne croyez pas en leurs capacités. Présumez des compétences. » Carole Zangari
La présomption des compétences des utilisateurs de CAA est basée sur deux principes : Ceux-ci s'appliquent à tous les êtres humains, indépendamment de tout diagnostic ou de tout degré de différence par rapport à la norme :
1. Tout le monde a quelque chose à dire
2. Tout le monde peut apprendre
Tout le monde a quelque chose à dire
Toute personne, indépendamment de la perception que peut en avoir un observateur externe, a une vie intérieure à la fois unique et riche. Cette vie est remplie de sentiments, d'observations, de préférences, d'opinions, d'histoires, de souvenirs et de rêves. Qu'une personne puisse exprimer sa vie intérieure d'une manière compréhensible et cohérente ou non, est un fait bien réel. Notre but devrait être de permettre à chaque utilisateur de la CAA d'exprimer sa vie intérieure d'une manière qui soit accessible à l'utilisateur lui-même et qui soit compréhensible pour la personne qui écoute. Cette vie intérieure très riche ne s'arrête pas au fait de demander. Elle inclut toutes les raisons pour lesquelles les gens on besoin de communiquer entre eux.
Tout le monde peut apprendre
Lorsqu'une personne ne peut pas faire usage de la parole pour communiquer, nous ne pouvons pas connaître précisément ses capacités de compréhension et d'utilisation du langage. Puisque nous ne pouvons pas connaître les capacités ou le potentiel de la personne, nous choisissons l'hypothèse la moins dangereuse et présumons de sa compétence.
Cependant cela ne signifie pas que nous devons supposer que la personne soit déjà pleinement alphabétisée et qu'elle dispose des compétences linguistiques réceptives et productives adaptées à son âge. Cela signifie que nous ne connaissons pas et ne pouvons pas connaître le potentiel d'une personne avant que celle-ci ne dispose des outils accessibles et de la formation nécessaire à leur utilisation.
Tout le monde peut apprendre et se développer en disposant des outils et de la formation appropriés. Cela ne signifie pas que tout le monde peut tout apprendre. Vous ne serez peut-être jamais champion de ski mais avec l'instruction appropriée, l'entraînement et l'équipement qui vous convient, vous pourrez apprendre les mouvements de base et progresser. Mais, sans skis et sans instruction, vous n'atteindrez jamais votre plein potentiel de skieur. Il en va de même en ce qui concerne la communication chez les personnes ne pouvant pas faire usage de la parole. Tout le monde a un potentiel, mais le système de CAA adéquat ainsi qu'une formation efficace sont requis afin que ce potentiel puisse être révélé et atteint.
Choisir un système de CAA qui présume des compétences
Comment ces deux principes (tout le monde a quelque chose à dire, et tout le monde peut apprendre) influencent-ils notre choix concernant le système de CAA et le vocabulaire ? Comment pouvons-nous nous assurer que le vocabulaire utilisé permette aux gens de révéler et d'atteindre leur potentiel ?
Donnez-leur des mots
Les personnes qui ne peuvent pas faire usage de la parole, ou très peu, se trouvent dans une position particulière et vulnérable. Ils ne peuvent littéralement pas nous indiquer les mots que nous ne leur donnons pas. C'est la raison pour laquelle nous devons choisir un vocabulaire qui donne accès au plus grand nombre de mots possible. Nous ne savons pas ce qu'une personne ne pouvant pas parler souhaite dire lorsqu'elle dispose d'une voix et du vocabulaire complet.
En plus d'avoir recours à un vocabulaire riche, l'utilisateur de CAA a besoin d'accéder aux formes grammaticales des mots à l'intérieur du système de CAA. Cela inclut le pluriel, les possessifs et les conjugaisons des verbes. La recherche montre que les utilisateurs de CAA ont des difficultés à apprendre la grammaire. Alors qu'il existe de nombreuses causes possibles pouvant expliquer ce phénomène, l'un des problèmes évidents réside dans le fait que les formes grammaticales ne sont pas accessibles dans les systèmes de CAA. Si celles-ci n'y figurent pas, l'utilisateur de CAA ne pourra ni les apprendre ni les utiliser !
Chaque raison est bonne pour communiquer
Les raisons pour lesquelles les gens communiquent sont nombreuses. Nous commençons souvent notre enseignement de la CAA par faire des demandes, car cela semble être la manière la plus facile de débuter. Mais il existe de nombreuses autres raisons qui amènent les êtres humains à communiquer et à exprimer la richesse de leurs vies intérieures. Si nous présumons de la compétence, nous devons supposer que tout le monde a besoin d'accéder à toutes ces raisons de communiquer. Si nous ne fournissons pas les mots nécessaires, nous entravons l'expression !
Accéder à l'alphabet
Un système de CAA ne devrait pas se contenter de présumer de la compétence en ce qui concerne l'apprentissage d'un système de communication basé sur les pictogrammes. Il devrait aussi présumer de la compétence pour apprendre la lecture et l'écriture à un certain niveau. La capacité à épeler de manière indépendante peut conférer à l'utilisateur de CAA une liberté d'expression totale. Celui-ci ne sera plus jamais dépendant d'un aide-soignant ou d'un thérapeute pour ajouter des mots dans le système de CAA. Cependant, même si l'alphabétisation totale n'est pas atteignable, toute capacité à épeler constitue un atout. Par exemple, être capable d'utiliser le son du début des mots ou d'inventer l'orthographe pour exprimer quelque chose qui n'est pas disponible dans le vocabulaire de la CAA est une compétence inestimable. Un système de CAA qui présume des compétences et de la capacité à apprendre doit aussi donner totalement accès à l'alphabet.
Aucune condition préalable
Pour choisir le bon système de CAA pour son utilisateur, il ne devrait pas y avoir de conditions préalables. Les utilisateurs de CAA ne devraient pas avoir à faire la démonstration de certaines compétences pour en être éligibles. Un utilisateur n'est jamais trop jeune ou trop vieux pour débuter la CAA. La présomption de compétences signifie qu'un utilisateur de CAA dispose des outils et des instructions nécessaires pour apprendre, indépendamment de tout diagnostic et de tout degré de différence.
La prochaine étape
La présomption de compétences signifie que nous supposons que chaque individu est unique et qu'il a quelque chose à dire. Une fois que nous en sommes là, nous pouvons sélectionner le système de CAA qui convient et qui confère à l'utilisateur les mots dont il a besoin. Tout le monde peut apprendre. Tout le monde a quelque chose à dire. Mais nous ne pourrons pas savoir ce que chacun a à dire tant que nous ne lui aurons pas donné une chance de le faire.
Cet article fait partie de la série d'articles Apprendre la CAA qui traite de la “MISE EN PLACE DE LA CAA”.
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Références et liens
- Article “Least Dangerous Assumption” (en anglais). Traduction de l'article en français sur le blog "A Plusieurs Voix".
- Farrall, Jane. (2015) - AAC: Don’t Demand Prerequisite Skills.
- Article de blog traduit en français sur notre blog : À FAIRE et À NE PAS FAIRE de la CAA - N'exigez pas des compétences prérequise
- Beukelman, D., & Mirenda, P. (2013). Augmentative and Alternative Communication (4th Ed.). Baltimore: Paul H. Brookes. Traduction en français par E. Prudhon et E. Valliet aux éditions De Boeck Supérieur.