Les systèmes de CAA peuvent être classés en deux catégories : ceux qui prennent en charge les images et les symboles (CAA à base de symboles) et ceux qui utilisent du texte ou qui permettent de taper un message (CAA textuelle). Il n’est pas aisé de déterminer le système correspondant le mieux aux besoins d’une personne ne pouvant pas compter sur la parole naturelle comme seul vecteur de communication.
Lorsque l’on communique par le texte, on forme des mots avec les 26 lettres qui composent l’alphabet. Le premier avantage de la CAA textuelle est que n’importe quel mot ou message peut être généré à partir de ce groupe de lettres. D’un autre côté, la CAA à base de symboles permet d’associer plusieurs mots à une seule image. Choisir un seul symbole peut être plus efficace que de taper le mot en entier. L’inconvénient est qu’il faut trouver les images qui correspondent à tous les mots pour pouvoir communiquer efficacement. Il peut paraître plus efficace de taper le mot et d’utiliser des outils de prédiction automatique pour accélérer le processus. Cependant, il convient de noter que le fait d’orthographier un mot ou celui de reconnaître un symbole correspond à des processus cognitifs différents. C’est la raison pour laquelle l’expérience de chacun avec les symboles et le texte est très personnelle.
Symboles et texte, des expériences différentes
Sara commence seulement à communiquer à l’aide d’un système de CAA. L’équipe qui la suit à l’école voudrait l’aider à développer ses compétences en lecture et en écriture. Les membres de l’équipe se demandent quel impact la CAA à base de symboles aurait sur le développement de ses compétences en lecture et en écriture.
Samuel utilise un système de CAA à base de symboles depuis qu’il est enfant. Sa mère a récemment remarqué qu’il remplissait des champs texte. Par exemple, il fait des recherches iconographiques dans Google ou cherche des vidéos dans YouTube. Il envoie des textos à ses amis et aux membres de sa famille. Elle se demande si un système de CAA textuel ne lui serait pas plus profitable.
Daniel utilise un système de CAA qui repose essentiellement sur le texte. Il a remarqué récemment que pendant les moments de travail intense, il lui était beaucoup plus difficile de trouver, dans son système, les mots et les lettres dont il avait besoin. Il souhaiterait pouvoir utiliser des symboles en guise de support visuel pour les images pré-enregistrées. Il se demande si le fait de disposer d’images ou de photos l’aiderait à trouver plus facilement ses messages.
Que la personne débute avec la CAA ou qu’elle l’utilise depuis un certain temps, il est important d’étudier les avantages et les opportunités que présentent les systèmes textuels ainsi que les systèmes basés sur les symboles.
L’un ne va pas sans l’autre
Une personne communique efficacement lorsqu’elle est capable de partager ses pensées et ses idées, ses souhaits et ses désirs. Tout ceci est possible grâce à la CAA à base de symboles. Tout ceci est aussi possible grâce à la CAA textuelle. Les deux systèmes convergent vers le même résultat. Les utilisateurs utilisent souvent leur système de CAA en complément d’autres moyens de communication tels que les gestes, les vocalises, la parole et le langage des signes.
Un certain nombre d’utilisateurs déclare que le stress peut parfois leur faire perdre leurs moyens, ce qui se traduit par des difficultés motrices ou des difficultés à trouver leurs mots. Dans ces moments, ils trouvent qu’il est plus facile de sélectionner un symbole que de taper un mot.
« Je préfère utiliser Proloquo2Go lorsque je me sens un peu dépassé ». « Ce ne sont pas les images que je trouve importantes. Elles m’aident simplement à localiser le mot que je souhaite utiliser au lieu de devoir y réfléchir ».
~ Endever* Corbin, utilisateur de CAA
Il est normal d’avoir recours à une grande variété d’outils pour communiquer. A chaque fois que nous interagissons sur les réseaux sociaux, nous utilisons une combinaison d’images et de textes. Il nous arrive de télécharger une photo accompagnée d’une légende, en utilisant la prédiction automatique de mot sur notre téléphone. Les icônes que nous choisissons varient selon si l’on aime ou si l’on adore le message. La CAA inclut presque toutes les alternatives possibles à la parole, et notamment les réseaux sociaux. Nous effectuons quotidiennement, pour la plupart d’entre nous, des combinaisons de lettres, de mots et d’images. La CAA n’échappe pas à ce principe.
Les gens communiquent rarement d’une seule façon. Il est peu fréquent de voir les gens utiliser uniquement des symboles ou du texte. La communication peut résulter d’une association complexe entre différents systèmes ou différentes méthodes. Il ne s’agit pas de choisir entre l’un ou l’autre.
« Quand vous n’avez pas les idées très claires, il peut être plus facile de percevoir le contexte par l’intermédiaire d’un seul mot ou dans un ensemble de symboles. Au lieu de se focaliser sur la justesse des formes grammaticales, on peut relier des concepts qui permettent d’exprimer une idée... Je peux taper des mots isolés, des phrases courtes ou me servir abondamment du bouton Discours rapide (c’est la raison pour laquelle j’utilise des codes couleurs). Cela ne signifie pas que nous ayons moins de choses à communiquer, ou que nous soyons immatures ou fainéants... cela veut simplement dire que c’est la meilleure solution par rapport au contexte et au moment précis. »
~ Saoirse Tilton, utilisateur de CAA
Les utilisateurs de CAA à base de symboles ont besoin d’un accès à l’alphabet
Les enfants qui commencent à communiquer, alors qu’ils ne sont pas encore alphabétisés, débutent souvent la CAA avec un système à base de symboles. Ces apprenants ont besoin de disposer d’un système de CAA équilibré. Cela signifie qu’ils doivent utiliser un système de CAA basé sur le vocabulaire de base qui leur donne également accès au vocabulaire spécifique et à l’alphabet. Certains utilisateurs de CAA déclarent qu’ils ont appris à lire en déchiffrant les légendes de leur système de CAA à base de symboles.
L’utilisation d’un système de CAA équilibré donnant accès à l’alphabet, en complément d’un apprentissage de la lecture et de l’écriture, est le meilleur moyen pour un apprenant de progresser dans ce domaine.
Avoir accès à l’alphabet grâce à son système de CAA n’est qu’un début et non une fin en soi. Tous les enfants et toutes les personnes qui apprennent à lire et à écrire ont besoin de voir de quelle manière ils peuvent utiliser l’alphabet et la saisie au cours des conversations et de l’apprentissage.
Par exemple, lorsque Sara lit en classe « Les piranhas ne mangent pas de bananes », cela lui donne de nombreuses opportunités d’utiliser son système de CAA. Elle peut d’abord accéder au vocabulaire de base et y trouver des mots tels que : aimer, manger, bon, mauvais, quoi et pas, etc. Ensuite, elle peut utiliser des mots spécifiques tels que fruits ou parties du corps. Mais plus important encore, elle peut utiliser l’alphabet intégré au système pour taper le mot « Piranha ». Il est possible que le mot piranha ne soit pas assez fréquent pour en faire un bouton de son vocabulaire, ce qui donne l’opportunité de lui afficher l’alphabet dans le cadre d’activités réelles. De cette façon, Sara peut développer des compétences en lecture et en écriture, en utilisant son système de CAA.
Les enseignants, les thérapeutes, et les membres de la famille peuvent aider considérablement un utilisateur de CAA à progresser dans le domaine de la lecture et de l’écriture grâce à la CAA. Voici quelques stratégies :
- Réfléchissez à haute voix lorsque vous recherchez une fonction dans le système de CAA.
- Faites de même lorsque vous tapez un mot sur l’écran clavier, en faisant attention à saisir moins fréquemment les mots déjà utilisés au lieu d’en faire des boutons.
- Montrez à l’utilisateur de quelle manière on peut saisir des mots pour ajouter des boutons dans les dossiers.
- Faites des listes alphabétiques dans les dossiers de mots Action et Description.
- Désactivez la prise en charge des symboles au niveau de la fenêtre de message (sauf si la personne a besoin de la prise en charge des symboles visuels pour la compréhension).
- Augmentez la taille des textes qui s’affichent sur les boutons.
- Désactivez de manière sélective les symboles pour certains boutons, afin de ne laisser que le mot.
- Donnez accès au clavier AZERTY (écran clavier) plutôt que d’utiliser la grille clavier alphabétique.
- Enregistrez sur des boutons les messages qui ont été composés.
- Utilisez les options de partage de messages (par exemple, les messages texte, les e-mails, les réseaux sociaux).
- Utilisez les listes correspondant aux tâches langagières et à celles qui font intervenir les compétences en lecture et en écriture.
(Note : certaines de ces stratégies font référence à des fonctions de Proloquo2Go spécifiques).
Les utilisateurs de CAA devraient être impliqués dans ce processus, et ce, aussi souvent que possible. Ils peuvent décider quels mots doivent être transformés en bouton, ou les mots qui n’ont pas besoin d’être accompagnés par un symbole, ou encore les messages qui doivent être envoyés à leurs amis par e-mail, etc.
Les utilisateurs de CAA à base de symboles débutent avec du texte
Il arrive souvent qu’un utilisateur de CAA à base de symboles débute en utilisant le texte et la saisie. Si celui-ci a accès à l’alphabet, il peut le faire dans son système de CAA. S’il a accès à un clavier, il peut également taper des messages à d’autres emplacements.
Vous pouvez envisager une approche privilégiant la CAA textuelle si l’utilisateur :
- utilise le clavier pour saisir des mots au lieu de naviguer dans le vocabulaire pour les trouver
- préfère utiliser l’écran clavier
- utilise la fonction de recherche et orthographie les mots
- a commencé à ajouter ses propres boutons et à organiser des phrases pré-archivées
- saisit correctement des mots et des messages dans d’autres programmes ou applications tels que Safari, YouTube, messageries instantanées, e-mails, etc.
Dans ce cas, il est peut-être temps de l’orienter vers un système de CAA reposant davantage sur du texte avec l’objectif qu’il gagne en rapidité de frappe. À titre d’exemple, la prédiction de mot peut augmenter significativement la rapidité de saisie, mais la plupart des gens ont besoin d’apprentissage et d’entraînement pour y parvenir.
Dans le cas d’une période de transition, l’utilisateur de CAA doit continuer à avoir accès, à la fois à son système de CAA basé sur les symboles, et à un système de CAA textuelle. C’est à l’utilisateur de déterminer le système qui lui permettra d’atteindre ses objectifs de communication et de répondre à ses besoins spécifiques.
Bon nombre d’utilisateurs continuent à utiliser les deux systèmes en parallèle.
Par exemple, lorsque que Samuel a commencé à utiliser un système de CAA textuelle, il l’utilisait d’abord à la maison. Il s’en servait pour envoyer des messages à ses amis, ce qui lui a permis de s’entraîner. À l’école, avec ses professeurs, il est possible qu’il continue à utiliser son système de CAA basé sur les symboles car il y est plus habitué.
Les enseignants, les thérapeutes et les membres de la famille peuvent faciliter le passage à un système de CAA textuelle. Certaines stratégies permettent de :
- Personnaliser un système de CAA textuelle en enregistrant et en organisant les phrases et les expressions fréquemment utilisées
- Copier les messages les plus utilisés d’un système à l’autre
- Explorer dans quelle mesure on peut utiliser les fonctionnalités qui permettent d’améliorer l’efficacité d’un système de CAA textuelle, comme par exemple, la prédiction de mot, de phrases et l’historique.
- Utilisez les options de partage de messages (par exemple, les messages texte, les e-mails, les réseaux sociaux).
- Modifier la couleur de fond et la taille des polices pour aider l’utilisateur de CAA à trouver dans le système les expressions dont il a besoin sans avoir recours aux images
(Note : certaines de ces stratégies font référence à des fonctions spécifiques de Proloquo4Text)
Les utilisateurs de CAA doivent être impliqués dans ce processus. Ils peuvent déterminer les phrases et les expressions qui permettent de personnaliser un certain nombre de situations et décider des préférences qui facilitent l’utilisation de leur système. L’objectif pédagogique a été atteint lorsque l’utilisateur peut piloter entièrement l’assistance de son système de CAA.
Utiliser des symboles en support de la communication textuelle
Beaucoup d’utilisateurs de CAA déclarent que leur capacité à générer du texte en tapant des messages sur un clavier peut être variable. Ils peuvent parfois réussir à taper des mots, et à d’autres occasions ne pas parvenir à composer un message. Les utilisateurs mentionnent différents facteurs responsables de ce phénomène, comme les besoins de traitement sensoriel ou l’anxiété.
Lorsqu’il est difficile pour l’utilisateur de taper ou d’orthographier des mots, celui-ci peut avoir besoin de recourir à des images. Cela peut l’aider à trouver les messages qu’il souhaite communiquer si un symbole est associé à un message particulier.
Daniel a, par exemple, ajouté des messages clés à certains boutons de son système de CAA basé sur des symboles. Chaque bouton est associé à un symbole pour lui permettre de se souvenir de la signification du message. Même s’il parvient, la plupart du temps, à saisir ses messages, son système de CAA à base de symboles lui permet de dire rapidement ce dont il a besoin, notamment pendant les périodes de travail intense.
Les utilisateurs savent probablement eux-mêmes lorsqu’ils ont besoin d’avoir recours aux symboles. Ils peuvent organiser et programmer les messages ainsi que les phrases qu’ils utilisent le plus souvent. Ils peuvent sélectionner les symboles et les paramétrer.
Pour résumer
Bien que les systèmes de CAA aient tendance à être basés, soit sur les symboles, soit sur du texte, il arrive rarement que l’utilisateur ne se repose uniquement sur l’un ou sur l’autre. La CAA la plus efficace est celle qui répond le mieux aux besoins de communication de l’utilisateur.
Liens et références
- Articles de blog d’AssistiveWare : « Migrer d’un système de CAA à base de symboles vers un système de CAA textuelle » (En anglais)
- Koppenhaver, D. (2000). Literacy in AAC: What should be written on the envelope we push? Augmentative and Alternative Communication, 4, 270-279.