Les mots, les symboles, et les campagnes de sensibilisation qui nous sont proposés pendant cette période, nous rappellent les erreurs communément commises lorsqu'il s'agit d'écrire au sujet de l'autisme. Voici quelques grands principes.
1. Nous sommes nombreux à ne pas apprécier nl’expression « personne avec autisme ».
En matière de handicap, les professionnels apprennent dès le début de leur carrière, un principe jugé fondamental : l'individu doit toujours passer en premier. Cependant, de nombreuses personnes handicapées ne sont pas de cet avis. C'est d'ailleurs le cas au sein de la communauté des personnes autistes (même si cet avis n'est pas partagé par tous). Bon nombre d'entre nous voient l'autisme comme une autre facette de notre personnalité. Même si les gens parviennent à en faire abstraction, on peut se poser la question de savoir s'ils nous voient vraiment tels que nous sommes. Après tout, une femme ou un américain peut être perçu comme un individu à part entière, fesans être « une personne avec féminité » ou « une personne de nationalité américaine ». Alors pourquoi devons-nous être considérés comme des « personnes avec autisme » ?
Bien sûr, si vous vous adressez à une personne en particulier, il est toujours bon de lui demander sa préférence. Certaines personnes autistes préfèrent que l'individu soit mis au premier plan. C'est pour cette raison que j'alterne souvent les termes lorsque j'écris. L'expression « dans le spectre autistique » apparaît parfois comme un bon compromis.
2. Les campagnes de sensibilisation nous fatiguent (et nous rendent méfiants).
Chaque année, en avril, les œuvres de charité, menées par des parents de personnes autistes et des professionnels, demandent à leurs défenseurs de sensibiliser le grand public en illuminant les bâtiments en bleu, en portant des vêtements bleus, et arborant un pin's en forme de pièce de puzzle au revers de leur veste.
Cela ne contribue en rien à résoudre les problèmes éminemment pratiques que nous rencontrons. Au lieu de cela, ces campagnes ont souvent pour résultat de propager un sentiment de peur et de promouvoir des stéréotypes nuisibles. Autism Speaks, l'organisation à l'origine de la campagne Light It Up Blue, décrit la génération actuelle d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes autistes comme s'il s'agissait d'une crise de santé publique qui pèse sur la famille et le gouvernement. Au cours de sa longue histoire, la pièce de puzzle a souvent été associée à l'idée que les personnes autistes devaient retrouver les éléments qui leur manque pour recouvrer leur intégrité. Dans ce contexte, nous sommes nombreux à considérer les pièces de puzzle, les autocollants et les villes illuminées en bleu, comme des marques de haine et non de soutien.
3. Rien sur nous sans nous.
Il est fréquent de lire dans des reportages sur l'autisme, des témoignages de parents, de professeurs, d'orthophonistes, et même du concierge de l'école partageant leur vision sur l'autisme et leurs expériences avec des personnes autistes. Aussi curieux que cela puisse paraître, la seule personne à qui l'on ne demande pas de s'exprimer est la personne directement concernée par l'article ! Le problème c'est que personne ne sait lire dans les pensées. Je suis certain que chacun de nos lecteurs a déjà vécu une situation dans laquelle leurs parents ont mal interprété leurs pensées ou leurs opinions. L'autisme ne fait pas exception.
Toutes les personnes autistes ne sont pas capables de répondre à une interview. Mais beaucoup de ceux qui en sont capables ne sont tout simplement pas sollicitést. D'autres peuvent parler ou écrire mais ont du mal à répondre aux questions en temps réel. Pour ces personnes, des petits aménagements comme fournir les questions en avance peuvent faire une différence énorme !
Une autre erreur fréquemment commise, consiste à supposer qu'aucune personne autiste ne lira d'articles sur l'autisme. Les auteurs peuvent parfois utiliser des formules du type « contrairement à vous et moi », ou « tout comme vous et moi », mais nous sommes rarement inclus dans le « nous » qui désigne le lectorat. En réalité, nous sommes présents partout et il est difficile d'affirmer le contraire. L'autisme est de nature très variable et peut présenter des caractéristiques différentes menant toutes au même diagnostic. Il y a d'ailleurs des chances que vous comptiez des personnes autistes parmi votre public.
4. Nous ne souhaitons pas devenir « normaux » mais vivre bien, tout simplement.
La plupart du temps, les interventions sur l'autisme ont pour finalité de faire en sorte que les autistes ressemblent aux personnes « normales ». La thérapie se focalisent notamment sur les contacts visuels et la diminution des mouvements inhabituels.
Ce ne sont pas des priorités qui ont été choisies par les personnes autistes elles-mêmes. Il faudrait plutôt se concentrer en priorité sur quelques sujets importants, comme l'anxiété et l'hypersensibilité sensorielle, le développement de compétences nécessaires à l'apprentissage et permettant de réussir ses études et de trouver un emploi, et faciliter l'accès aux structures d'aide ce qui faciliterait la vie des personnes autistes au quotidien.
Par ailleurs, poursuivre l'objectif qui consiste à permettre aux personnes autistes d'atteindre une apparente normalité pourrait représenter un coût prohibitif. Les contacts visuels peuvent être douloureux et perçus comme intrusifs. Il peut aussi arriver qu'il soit impossible de cumuler les difficultés, comme établir le contact visuel et en même temps comprendre ce que nous dit un interlocuteur. Rester tranquille peut également nécessiter beaucoup de concentration, ce qui en laisse peu pour l'apprentissage. Les mouvements de bras ou de mains sont souvent une expression de joie, ou encore une façon de se repérer physiquement dans l'espace.
Ceux d'entre nous qui ont fait les efforts nécessaires pour avoir l'air « normal » ou qui ont atteint certains de leurs objectifs s'entendent souvent dire qu'ils ont « vaincu » l'autisme. C'est une erreur. Nous devons constamment lutter contre les préjugés, ou travailler sans relâche pour acquérir les compétences qui viennent aux autres plus facilement. Pourtant, dans certains domaines, il nous arrive de rencontrer des difficultés que vous ne pouvez pas percevoir. Cette explication devrait être suffisante et il ne devrait pas être nécessaire de recourir à des clichés désuets de lutte ou de victoire contre l'autisme.
5. Les termes sur notre fonctionnement ne sont pas informatifs et sont nocifs.
Lorsque les mots vous manquent, il est pratique de se raccrocher à des expressions toutes faites telles que bas niveau ou haut niveau de fonctionnement. Cependant, ces expressions peuvent avoir beaucoup de significations différentes, ce qui nuit à leur valeur informative. Un individu peut avoir le sentiment que son interlocuteur fonctionne à haut niveau parce qu'il peut faire des phrases complètes, alors qu'un autre peut avoir un avis contraire parce qu'il ne suit pas le cursus scolaire général. Une personne peut être incapable de cuisiner, conduire ou de prendre les transports toute seule, mais cette même personne peut aussi être titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur avec mention. Alors, dans quelle catégorie les classer ?
Il arrive trop souvent que les niveaux de fonctionnement soient utilisés pour exclure tout le monde. Comme l'explique Laura Tisoncik, « La différence entre l'autisme à haut niveau et l'autisme à bas niveau de fonctionnement c'est que dans un cas vos handicaps sont ignorés alors que dans l'autre, ce sont vos atouts qui le sont. »
Il est souvent préférable d'être précis, tout simplement. Réfléchissez bien à ce que vous voulez dire lorsque vous êtes tenté d'utiliser l'un de ces termes npasse-partout. Si vous pensez qu'une personne n'est pas capable de parler correctement, si elle a besoin d'aide pour gérer ses finances, ou si elle a des crises fréquentes, il est préférable de le dire tel quel.